Homographies
Il y a plusieurs contextes dans
lesquels
les homographies ont des propriétés intéressantes. Elles permettent par
exemple de réaliser les bijections holomorphes de deux types d'ouverts.
Dans un contexte un peu différent elles réalisent les bijections
de
et
permettent de faire des
changements de cartes projectifs. Une certaine classe d'homographie
permet aussi de définir les fonctions modulaires.
1)
Bijections holomorphes du disque
Dans cette section on tracera les graphes sur les
pavés [-1.1 , 1.1] + i
[-1.1 , 1.1]. Par ailleurs on change le mode de représentation de sorte
que les points dont le module de l'image dépasse 1 s'affichent en noir
(tout en gardant la couleur continue).
La théorie donne toutes les bijections
du disque unité sur lui même :
où les deux paramètres
et
sont choisis
respectivement dans le disque, et dans
. Pour
= 0 ,
=0 , la fonction est l'identité.
En voilà une avec
= -0.6 + 0.21 i ,
=1
Le point
est reconnaissable car il annule la fonction. Cette homographie a un
pôle situé en dehors du disque. La fonction a un point fixe situé sur
la frontière (mais il n'est pas reconnaissable).
En voici une autre avec
= 0.43 + 0.81 i
,
=4.02
:
Il est naturel de prendre des
homographies pour
une telle ambition, car elles envoient les cercles-droites sur des
cercles-droites. Ainsi c'est aussi une homographie qui permet de
réaliser une bijection de
sur
. Alors on peut
en déduire les bijections du demi-plan de Poincarré.
2) Bijections
holomorphes du demi-plan
On définit le demi-plan de
Poincarré
. On peut trouver toutes ses bijections holomorphes.
Pour cela on transporte le cercle unité sur la droite réelle par
l'application
.
Le disque est envoyé de façon bijective et
holomorphe vers
le demi-plan de Poincarré : ça se voit sur les couleurs prises par la
fonction en plein centre. Ensuite, on retrouve les bijections de
: il s'agit des
homographies réelles :
où a,b,c,d sont réels et ad-bc >0.
Exemple : avec a=1 , b=-2 , c=2 , d=1 sur le carré [-3,3] + i [-0.1 ,
5.9 ] :
On a toujours un zéro et un pôle
réels, les valeurs prises sur
sont exclusivement dans
.
Cette partie est
adressée à un public familier des actions
de groupes et des nombres
complexes.
Vous pouvez passer directement à la
partie 3 si ces sujets ne vous passionnent pas :)
En fait des groupes de matrices agissent sur
par l'application
décrite ci-dessus : c'est l'action de
. Cette action se
restreint à celle de
.
Pour que l'action soit fidèle on quotiente par le sous-groupe à deux
éléments, on fait donc agir
sur
.
En observant les orbites, on peut classifier les réseaux de
: les classes
d'homothécies de réseaux sont décrites par un unique (ou presque)
élément d'un domaine fondamental.
Ensuite on peut faire agir le groupe
sur les domaines
fondamentaux du plan, ce qui découpe une partition de
:
Quelques domaines fondamentaux sur [ -1.6 , 1.6 ] + i [ 0 , 3.2 ].
Il
faut remarquer plusieurs
choses : le shéma se répète par translation de 1 vers la droite ou la
gauche. Pour en voir l'illustration sur les réseaux, voir le GIF
weierstrass situé sur la page
Singularités.
Cela tient juste au fait que l'application
T: est dans
. Par ailleurs
l'application
S:
est aussi dans le groupe modulaire. Ces deux éléments suffisent à
générer le groupe. Pour plus de détails sur le groupe modulaire et les
domaines fondamentaux, voir la page
Fonctions
modulaires !
3)
Transport de domaines
Avec des Homographies on peut donc transporter
des domaines de définition de fonctions de façon à rendre
visibles
des points éventuellement loins ou infinis. Par exemple,
l'application
décrite précédemment
permet de dessiner dans le disque unité une fonction définie
sur
.
Par exemple une sorte de
série
de Dirichlet : on additionne les
.
Cette famille de fonctions est sommable sur le demi-plan de Poincarré.
On peut la représenter dans le disque unité pour faire
apparaître le comportement de la limite sur les branches infinies de
.
Et la limite tracée sur le disque donne donc ceci :
On peut imaginer ce qu'il
reste de la
période réelle de la fonction qu'on a dessiné à cause de la répétition
du motif en s'approchant de -1. La représentation n'est bien sûr pas
isométrique.
Cette partie est
adressée à un public familier des changements de variables
et des nombres
complexes.
Vous pouvez passer directement à la
partie 4 si ces sujets ne vous passionnent pas :)
Il y a une autre façon de dessiner des fonctions
de
dans le
disque, il s'agit de faire la même opération avec le changement de
variable
,
et en regardant la fonction comme si elle était définie sur D(0,1).
Cela requiert tout de même de s'assurer que la fonction a une période
1, ce qui est toujours le cas pour des fonctions modulaires. C'était
aussi le cas de la fonction qu'on a tracée ici, avec un petit
changement de variable on pouvait lui attribuer une période 1. Ce
changement de variable sera alors plus commode.
Donc en regardant la fonction
et en
opérant le changement de variable décrit au dessus, on trace alors
sur
le disque unité :
Nous avons tracé exactement la même fonction, mais
le
changement de variable était différent. Cela revient à
identifier
le disque avec
,
donc plus qu'une bande verticale du demi-plan de Poincarré, d'épaisseur
1. Le point infini est envoyé au milieu du disque, car
ne s'annule que quand z tend vers l'infini. Forcément cette
représentation est plus précise (car elle décrit un domaine plus petit)
mais on ne peut la tracer que lorsque les fonctions ont une période 1.
Dans le cas contraire, on perd les informations contenues dans les
autres bandes verticales que celle où on a tracé la fonction.
Pour plus de détails sur ce changement de variables, voir la
page
Fonctions modulaires,
où on le fait à chaque fois !
En tout cas, ce changement de variables n'avait rien d'une
homographie...
4) Bijections
de l'espace projectif
On n'a pas dit jusqu'ici que les homographies
réalisent exactement les bijections de l'espace projectif
.
Pour la suite, on considèrera
comme
,
avec la topologie projective (celle du compactifié d'Alexandrov), je
n'entrerai pas plus dans les détails de l'aspect topologique. Mais on
peut les définir sur
grâce au fait qu'on peut y définir
une limite (infinie) sur le pôle
d'une homographie au sens de l'espace projectif. De plus les
homographies ont une limite à l'infini (sauf les homographies affines,
alors elles valent l'infini à l'infini).
Soient
,
alors il existe une unique homographie
telle que
. De plus elle est
donnée par la formule
L'exemple le plus simple :
: il échange de place les points 0 et infini, et laisse 1 à sa place,
et le cercle unité est juste "retourné". Le mieux est de l'illustrer :
avec une fraction rationnelle :
À gauche c'est la fraction rationnelle
représentée de
façon standard sur [-2,2] + i [-2,2]
À droite c'est la même fonction
h composée avec
f :
.
Et en fait, on peut l'interpréter comme un changement de
carte de représentation de la fonction
h. C'est comme si on
avait dessiné la fonction
h en
retournant la sphère de Riemann, échangeant les places de zéro et
l'infini. Alors, ce qu'on voit à droite est le comportement de
h à
l'infini, soit un pôle double. Cela était prévisible en y réfléchissant
:
,
donc la singularité est un pôle d'ordre 2.
Pour revoir ce changement de variable, RDV sur
Fonction
zeta !
Un autre exemple :
Au lieu d'échanger 0 et l'infini, on peut choisir la place de
3
points distincts quelconques. Il peut être intéressant de voir à la
fois 0, l'infini et 1 sur une même carte :
On le fait avec l'application
(qu'on a déjà vue plus haut !) pour la fonction
À gauche la fonction est représentée sur [-4,4] +
i [-3,3]. Une singularité essentielle comme on pouvait s'y attendre.
À droite , on a plié l'infini, 0 et 1 sur le
cercle unité : la fonction est représentée sur [-2,2] + i [-2, 2].
L'aspect symétrique vient du rôle symétrique par rapport à 1 de
z et
1/z géométriquement et dans la définition de la fonction tracée.
Le changement de carte projectif revenait à prendre
dans le choix du
changement de carte projective.
Alors, on voit ici qu'on a replié 0 et l'infini à un rôle symétrique,
et que les deux singularités apparaîssent sur notre carte.
Pour revoir ce changement de variables, voir la page
Déterminations !
Un
dernier exemple : rapprocher l'infini
Voilà une déformation du logarithme en rapprochant et déplaçant
l'infini : sur le carré [-5,5] + i [-5,5].
z1=0 ; z2=1 (ils sont inchangés par l'homographie) et z3 (le point
envoyé à l'infini) varie dans le plan :
z3= -10 + 10 i
z3=-1 + i
z3= -1- 2i
z3= 1.4 - 0.4 i
Au plus on rapproche l'infini d'un des deux points fixés, au
plus la fonction est "constante"(en fait c'est pas exactement
ça...). La déformation des lignes d'équimodules permet de bien situer
le déplacement des points du plan lors du changement de variable.
Pour bien comprendre le sens de ces
représentations, il faut bien voir que les 4 fois, on a représenté la
même fonction. Il est bon de voir aussi que cela revient à
représenter
la fonction sur
où
est
l'homographie vérifiant
.
En gros, ça permet de tracer la fonction sur un "rectangle infini", qui
n'a plus grand chose d'un rectangle car les segments des bords peuvent
être envoyés sur des arcs de cercles.
Pour l'exemple du logarithme, on
peut aussi remarquer que la discontinuité se contente de relier les
deux
points 0 et l'infini par une courbe. Sur la dernière image, on
a z1=0, z2=1, z3 est pas loin d'eux, on voit que les rôles des discontinuités en 0
et en l'infini sont très similaires.
On imagine alors des déterminations du logarithme qu'on peut déduire en
prolongeant la détermination principale sur D(1,1). On y revient plus
en détails dans
Déterminations,
où l'on va trouver plusieurs façons de déterminer le logarithme, en
choisissant d'autres façons de répartir ses discontinuités...
Pour plus de singularités replacées dans le plan, voir
Singularités et
Fonction zeta !