Singularités
et zéros
1)
Fonctions méromorphes
Qu'est ce qu'une fonction méromorphe ? On peut
la penser comme le quotient de deux fonctions holomorphes, il se trouve
que le théorème de factorisation de Weierstrass permet de l'affirmer.
Le niveau 1 des fonctions méromorphes du coup ce sont les
fractions rationnelles :
La fraction rationnelle :
sur le carré [-2,2] + i [ -1.5 , 2.5 ]
On peut bien distinguer l'ordre (fini) des zéros et des
pôles. Les fractions rationnelles n'ont qu'un nombre fini de singularités et zéros. On voit
bien que le module tend vers l'infini au voisinage des pôles, et vers 0
au voisinage des zéros. Cela distingue les pôles/zéros des singularités
essentielles.
Petit rappel : les zéros sont les points affichés en NOIR, les pôles en BLANC
l'ordre
d'un zéro/pôle est le nombre de tours que fait la teinte autour du
point.
Une fonction méromorphe :
sur [-2,2] + i [-2,2]
Elle a des zéros et des pôles dans 4 direction, en
nombre infini. Ils sont tous d'ordre 1, sauf en plein centre (0) où le zéro est d'ordre 4.
La fonction de Weierstrass
avec le groupe de périodes
tracée sur [ -1.5 , 1.5 ] + i [ -1.5 , 1.5 ]:
C'est une fonction avec une double période (1 et i
), donc toutes les combinaisons
-linéaires de 1 et i sont des périodes. Le groupe de période est ici
[i]. Pour chaque couple
de complexes non colinéaires,
il existe une fonction
qui admet
ces deux nombres comme période. Par ailleurs
et sa dérivée engendrent le corps des fonctions
méromorphes sur le tore quotient défini par les deux nombres.
Une construction possible des fonctions modulaires (et notamment de la
fonction J) est basée sur cette fonction. On isole un invariant de
réseau grâce à
puis on
définit une fonction de réseau, qui engendre une fonction modulaire.
Il est assez intéressant aussi de se demander
quelles sont les deux fonctions holomorphes sur
dont
est le quotient. La réponse est non triviale...
Par ailleurs deux paires de nombres complexes non
colinéaires
peuvent définir le même réseau. Voici un GIF pour l'illustrer
:
on représente les fonctions de Weierstrass des réseaux variant de (1,i)
à (1, 1+i), qui sont alors les mêmes car les réseaux sont les mêmes :
La fonction
a beaucoup à voir avec
les définitions des fonctions modulaires, mais je le détaille pas.
Malgré tout, vous reconnaîtrez peut-être ces symétries de réseaux en
allant voir la page
Fonctions
modulaires !
Un
dernier mot sur la fonction de Weierstrass : il n'est
pas intéressant sur le plan mathématique de la regarder à l'infini
: on la connaît partout dès qu'on la connaît sur le carré [0,1] + i
[0,1]. Mais on imagine bien que ça peut être joli de replier le
réseau
[i] !
Donc voici la fonction
sur [-2,2] + i [-2,2]
Bon, on voit (encore plus qu'avant) un défaut de l'image
sous cet angle : les zéros devraient probablement être tous double,
alors qu'ici ils le sont pas exactement. Comme mentionné plus haut,
l'intérêt est plus esthétique que mathématique....
Plus bas, sur cette même page, on explique un peu mieux ce changement de carte.
2)
Singularités essentielles
On l'a dit précédemment, les zéros des fonctions
holomorphes non constantes ne peuvent pas être de multiplicité infinie.
Ce n'est pas le cas dans
,
et un contre-exemple classique en est la
fonction
,
qui se prolonge en 0 par 0. Elle est infiniment dérivable, toutes ses
dérivées sont nulles en 0, mais elle n'est pas constante.
Voici son
graphe sur
.
(tracée sur
MAFA Traceur de courbes, si un jour vous voulez tracer une fonction réelle)
Le choix de cette fonction n'a rien d'hasardeux : la fonction
définie
sur
admet une singularité essentielle en 0. Dans la direction réelle, elle
est prolongeable en 0, mais pas dans la direction imaginaire pure par
exemple.
Voici son tracé sur [-1,1] + i [-1,1] :
On voit que le module tend vers l'infini en se
rapprochant de 0 dans la direction imaginaire, elle n'est donc pas continue en 0.
Pour trouver une singularité essentielle, rien de plus simple : on
prend une fonction entière non polynômiale genre
, on la compose avec la fonction
inverse,
. Comme
f a une singularité
essentielle à l'infini (car elle
est non polynômiale), en faisant cette opération, on transporte sa
singularité en 0. Voilà ainsi le graphe de
sur [ -0.5 , 0.5 ]
+ i [ -0.5 , 0.5 ], avec une belle singularité en 0 :
Pour mieux voir le lien entre le graphe d'une fonction et son graphe à l'infini, RDV sur
Homographies ou
Fonction zeta, où vous trouverez des fonctions exprimées dans les deux cartes. (ou plus haut sur cette page, avec la fonction
)
Les singularités essentielles ont des propriétés épatantes :
par
exemple, il est facile de voir que l'image de tout voisinage épointé de
la singularité est dense et ouvert dans
.
On peut de plus affirmer d'après le théorème de Picard, que la fonction
restreinte à un voisinage épointé est surjective sur
ou presque : elle ne
peut éviter qu'un point.
C'est le cas de cette dernière singularité,
la plus immédiate à imaginer :
sur le
carré [ -0.5 , 0.5 ] + i [ -0.5 , 0.5 ] :
C'est la première fonction
"difficile" que Thomas Schmitt et moi avons laborieusement
fini par tracer, sans librairie complexe, et sa réalisation
nous a pris une nuit de
modifications sur le code. C'est ce jour là que nous avons imaginé
toutes les ruses nécessaires pour faire ces illustrations
informatiques. Elles sont détaillées sur la page
Mode de représentation !
Les
courbes d'équimodule et d'équi argument forment des cercles passant
tous par zéro : cela rappelle les lignes de champ et les lignes
d'équipotentielles d'un dipôle electrostatique, qui avaient parfois
cette même propriété. De plus de la même façon, les lignes de champs et
d'équipotentielles sont orthogonales (à cause de grad(V)=0 sur les
équipotentielles, et le fait que le gradient dirige les lignes de
champ) donc ils doivent avoir un peu la même dégaine
j'imagine, bien
qu'on
ne les représente pas avec tant de couleurs.
Par rapport à ce qu'on a vu sur le théorème de Picard, cette
singularité là rate toujours un point : il n'y a pas de complexe dont
l'exponentielle est nulle. Donc
est
surjective sur
,
même si on la restreint à n'importe quel voisinage épointé de 0.
Une dernière singularité, d'ordre infini celle ci :
ramenée à zéro par
l'homographie précédente : sur [ -0.5 , 0.5 ] + i [ -0.5 , 0.5]
Et voici une belle singularité essentielle et
d'ordre infini ! Vous pouvez revoir plier l'infini dans
Homographies,
Fonction zeta,
Fonctions modulaires, et
dans
Déterminations ! J'aime
plier l'infini...